Urbanisme & aménagement

Certificat d’urbanisme : portée juridique de la garantie de stabilité des règles dans le délai de 18 mois

11/6/2025

Chloé DAGUERRE-GUILLEN

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Le Conseil d’État a récemment rappelé, dans une décision du 6 juin 2025, que le certificat d’urbanisme délivré à un pétitionnaire garantit que les règles d’urbanisme applicables à la date de délivrance restent opposables pendant 18 mois, même en cas de changement de réglementation.

La Haute juridiction établit surtout que le pétitionnaire, titulaire d'un certificat d'urbanisme, peut aussi bénéficier des règles plus favorables ultérieures, à condition que son projet soit conforme à l’un ou l’autre des ensembles de règles.

Les faits

Mme A., propriétaire d’un terrain situé aux Lilas (93), obtient un certificat d’urbanisme opérationnel (CU b) le 22 octobre 2018. Ce certificat, pris sur le fondement de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme, identifie la constructibilité de la parcelle et précise les règles d’urbanisme applicables à la date de sa délivrance.

Le 21 avril 2020, soit dans le délai de 18 mois, elle dépose une demande de permis de construire portant sur un immeuble de dix logements avec stationnement en sous-sol. Entre-temps, un nouveau plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) est entré en vigueur le 27 mars 2020, modifiant certaines règles de constructibilité.

Le Maire de la commune rejette la demande par arrêté du 23 octobre 2020, au motif que le projet ne respecte pas les nouvelles prescriptions du PLUi.

  1. TA Montreuil, 7 avril 2022 : Annule le refus de permis au motif que la commune ne pouvait opposer au projet les nouvelles règles du PLUi, compte tenu de la protection attachée au certificat d’urbanisme.
  2. CAA Paris, 14 décembre 2023 : Annule le jugement et rejette la demande de Mme A., en considérant que seules les règles en vigueur à la date du certificat d’urbanisme (2018) étaient applicables.
  3. Conseil d’État, 7 mai 2025 : Annule l’arrêt d’appel pour erreur de droit, rappelle la portée exacte de la garantie légale conférée par l’article L. 410-1 du Code de l’urbanisme.

Le certificat d'urbanisme : garantie d’intangibilité des règles d’urbanisme (C. urb., art. L. 410-1, al. 4)

Le Conseil d’État confirme que :

« Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de 18 mois à compter de la délivrance d’un certificat d’urbanisme, les dispositions d’urbanisme […] ne peuvent être remises en cause, sauf celles relatives à la sécurité ou à la salubrité publique. »

  • La garantie de stabilité porte sur les règles d’urbanisme, les taxes et participations, et les limitations administratives au droit de propriété en vigueur à la date du CU.
  • Cette garantie s’applique même si le CU est "opérationnel" ou "d'information", quelle que soit sa forme.
  • Le bénéficiaire du CU est en droit d’exiger que son dossier soit instruit exclusivement selon les règles de l’époque, sauf dispositions nouvelles de sécurité ou de salubrité.

La garantie offerte par le certificat d'urbanisme n'est pas exclusive

Le Conseil d’État estime en revanche que :

"Les dispositions de l’article L. 410-1 n’ont ni pour objet ni pour effet d’exclure l’examen de la demande au regard des règles nouvelles, si celles-ci sont plus favorables, ou si le projet est conforme à l’un ou l’autre des ensembles normatifs."

Ainsi, le pétitionnaire peut tirer bénéfice du régime le plus favorable :

  • soit celui en vigueur à la date du CU (avec la garantie de l’article L. 410-1),
  • soit celui en vigueur au jour de la décision d’instruction, si son projet y est conforme.

À l’inverse, la collectivité ne peut pas rejeter la demande sans avoir vérifié cette double conformité potentielle.

La Cour administrative d’appel avait jugé que seule la réglementation du PLU, en vigueur en 2018 -lors de la délivrance du certificat d'urbanisme-, devait être appliquée, ce qui relevait d’une lecture restrictive du L. 410-1.

Le Conseil d’État casse l’arrêt pour erreur de droit, en rappelant qu’une interprétation stricte de la garantie conduit à priver le pétitionnaire d’un droit au permis, alors que la loi ne le prévoit pas.

Conseils pratiques aux opérateurs et collectivités

Pour les promoteurs et pétitionnaires :

  • Le certificat d’urbanisme constitue un outil stratégique de gel du droit applicable, à utiliser systématiquement pour sécuriser la faisabilité d’un projet à moyen terme.
  • Déposez vos demandes dans le délai de 18 mois pour préserver cette garantie.
  • En cas de rejet du permis fondé sur un PLU modifié, faites valoir votre droit au double examen (règles anciennes + nouvelles).

Pour les collectivités :

  • En cas de modification du PLU ou d’adoption d’un PLUi, l’instruction des dossiers déposés dans les 18 mois suivant un CU doit tenir compte de l’ancien et du nouveau régime.
  • A l'inverse, un refus basé exclusivement sur le nouveau PLU sans analyse de la conformité au régime antérieur peut tomber sous le coup une annulation contentieuse.

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Chloé DAGUERRE-GUILLEN