Urbanisme & aménagement

Conditions d’implantation des bâtiments agricoles en zone agricole : nouvelle jurisprudence

3/10/2025

Chloé DAGUERRE-GUILLEN

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La cour administrative d’appel de Toulouse a récemment rendu un arrêt intéressant concernant le refus opposé par le maire d'une Commune à une société agricole  qui sollicitait un permis de construire pour un hangar et un bâtiment de logement destiné à ses ouvriers.


Cette décision présente un intérêt pratique notable : elle illustre la manière dont le juge administratif contrôle la légalité des motifs de refus d’un permis de construire en zone agricole, en rappelant à la fois :

  • la rigueur jurisprudentielle traditionnelle concernant les logements en zone A,
  • mais également l’interdiction pour une commune de se fonder sur des motifs erronés, surabondants ou contraires au Code de l’urbanisme et au règlement du PLU.

1. Le caractère incomplet du dossier : un motif de refus écarté

Le maire reprochait à la société requérante de ne pas avoir produit certains éléments (puissance électrique, déclaration environnementale). La CAA rappelle que selon l’article R. 423-22 du Code de l’urbanisme, si l’administration ne réclame pas, dans le délai d’un mois, les pièces manquantes, le dossier est réputé complet.


Or, aucune demande complémentaire n’ayant été faite dans le délai, le permis ne pouvait être légalement refusé pour incomplétude du dossier.

2. Logements agricoles : une appréciation stricte de la nécessité

S’agissant du bâtiment d’habitation, la Cour applique une jurisprudence constante :

  • En vertu de l’article L. 151-11 du Code de l’urbanisme et du règlement du PLU, seules les constructions nécessaires à l’activité agricole sont autorisées en zone agricole.
  • Pour un logement d’exploitant ou de salariés, cela suppose de démontrer le caractère indispensable d’une présence permanente et rapprochée sur l’exploitation (cf. CE, 7 nov. 2012, n° 334424 : habitation admise pour la surveillance rapprochée de cultures sensibles au vol).

En l’espèce, la SCEA exploitait des cultures maraîchères et céréalières, sans démontrer un besoin de présence continue sur place, et la gérante résidait elle-même à seulement 240 mètres du terrain. La Cour confirme donc la légalité du refus du maire concernant le logement.

3. Le hangar agricole : la nécessité établie

Concernant le hangar, la solution est inverse. La société exploitait plus de 60 hectares, avec un besoin évident de stockage de matériel lourd et de produits agricoles, sans disposer de bâtiment existant. La Cour relève que la surface de 971 m² était justifiée par des éléments objectifs (plans d’aménagement, inventaire de matériel, programme d’investissement).
Le bâtiment doit donc être considéré comme nécessaire à l’exploitation agricole au sens du PLU. Le maire a commis une erreur d’appréciation en refusant le permis.

4. Sécurité incendie et eaux pluviales : l’impossibilité d’opposer des prescriptions non obligatoires

La commune soutenait que le projet méconnaissait :

  • Les règles de défense contre l’incendie (article R. 111-2 du Code de l’urbanisme et article A.4 du PLU). Or, la carence d’un poteau incendie « en eau » ne suffisait pas, dès lors que d’autres points d’eau étaient disponibles et que le règlement départemental n’était pas opposable en l’absence de mention dans le PLU ;
  • Les règles relatives à l’assainissement pluvial (article A.4.3 du PLU). Mais la Cour relève que le projet respectait l’infiltration des eaux à la parcelle et que le PLU « encourage » la récupération d’eau de pluie sans en faire une obligation.

En conséquence, les motifs tirés de ces deux aspects ne pouvaient fonder légalement le refus.

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Chloé DAGUERRE-GUILLEN