Urbanisme & aménagement

Défrichement et projet d'énergie renouvelable : nouvelle jurisprudence

20/6/2025

Chloé DAGUERRE-GUILLEN

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La Cour administrative d’appel de BORDEAUX a récemment rappelé, s'agissant d'un projet de construction d'une centrale photovoltaïque en zone forestière, les exigences qui s’imposent à l’administration en matière de motivation de ses refus ainsi que l’importance, pour les porteurs de projet, d’intégrer en amont des mesures précises d’évitement, de réduction et de compensation des impacts environnementaux.

Les faits

Un porteur de projet photovoltaïque avait sollicité, par deux demandes déposées les 16 octobre et 17 novembre 2020, d’une part, l’autorisation de défricher 10,52 hectares de bois sur une parcelle située sur le territoire de la commune de Salles (Gironde) et, d’autre part, le permis de construire une centrale photovoltaïque comprenant notamment cinq postes de transformation, un poste de livraison et un local de maintenance. Le Préfet de la Gironde, par deux arrêtés du 11 octobre 2021, avait opposé un refus à ces demandes. Le tribunal administratif de Bordeaux, saisi par la société requérante, avait confirmé ces refus par un jugement du 14 février 2024.

Les motifs avancés par l’administration : des fondements juridiques fragilisés par l’analyse du juge d’appel

En premier lieu, le refus de défrichement était fondé sur les dispositions de l’article L. 341-5 du code forestier, qui autorisent le préfet à refuser une autorisation de défrichement lorsque le maintien de la destination forestière des sols est nécessaire :

  • au titre du , à« la protection des personnes et des biens et de l’ensemble forestier […] contre les risques naturels, notamment les incendies » ;
  • au titre du , à « l’équilibre biologique d’une région ou d’un territoire présentant un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales ou végétales et de l’écosystème ».

S’agissant du risque incendie, le Préfet avait invoqué la localisation du projet au cœur du massif des Landes de Gascogne, classé à aléa très fort dans le plan interdépartemental de protection des forêts contre les incendies (PIDPFCI 2019-2029), ainsi que l’augmentation présumée du risque d’incendie générée par l’installation.

Toutefois, la cour a relevé que le pétitionnaire avait, en réponse aux avis défavorables initiaux du SDIS 33 et de l’autorité environnementale, substantiellement modifié son projet pour intégrer des mesures renforcées de prévention (piste périphérique, citernes de grande capacité, bande pare-feu, portails pour les engins de secours, aires d’aspiration). Ces mesures avaient été validées par le SDIS lui-même et avaient conduit le commissaire enquêteur à émettre un avis favorable. Le juge a ainsi estimé que le refus préfectoral était entaché d’erreur d’appréciation au regard du 9° de l’article L. 341-5 du code forestier.

En ce qui concerne l’équilibre biologique, le Préfet avait retenu que le projet avait des incidences sur des espèces protégées (notamment la fauvette pitchou et l’engoulevent d’Europe) ainsi que des zones humides abritant des amphibiens.

Toutefois, la Cour a relevé que la société pétitionnaire avait prévu un ensemble de mesures d’évitement, de réduction et de compensation jugé complet, dont la mise en œuvre de parcelles compensatoires sur un ratio 2 pour 1, la création de mares supplémentaires et des mesures de suivi écologique sur 30 ans, encadrées par l’ONF dans le cadre d’une convention avec la commune. Le Conseil national de la protection de la nature avait d’ailleurs émis un avis favorable à la dérogation espèces protégées (distincte de l’autorisation de défrichement), sous réserve du maintien de ces mesures compensatoires sur le long terme.

Dès lors, le refus était également entaché d’erreur d’appréciation au regard du 8° de l’article L. 341-5 du code forestier.

Le refus de permis de construire étant lui-même fondé sur le refus d'autorisation de défrichement, la Cour prononce l'annulation des deux arrêtés portant refus d'autorisation.

Conseil aux porteurs de projet : un dialogue environnemental rigoureux, clé de la sécurisation des projets

Cette décision illustre l’exigence, pour les porteurs de projet, de concevoir des dossiers intégrant dès l’origine des mesures précises, proportionnées et validées par les autorités compétentes en matière de sécurité incendie et de protection de la biodiversité. Il convient, dans ce cadre :

  • d’anticiper les recommandations des services tels que le SDIS, l’autorité environnementale ou le Conseil national de la protection de la nature,
  • d’intégrer des mesures compensatoires contractualisées et pérennes,
  • et de constituer un dossier technique solide pour prévenir les refus ou, à défaut, démontrer le caractère infondé de ces derniers devant le juge administratif.

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Chloé DAGUERRE-GUILLEN