Urbanisme & aménagement
Droit de préemption forestier : vers un renforcement des leviers d’action pour les communes

Une prérogative communale à la portée encore limitée
Dans le cadre de la gestion durable des territoires forestiers, les communes jouent un rôle central. Pourtant, leur capacité juridique à intervenir lors des ventes de parcelles boisées reste conditionnée par un régime de préemption strict, fondé sur l’article L. 331-22 du code forestier, instauré par la loi d’avenir pour l’agriculture du 13 octobre 2014.
Ce dispositif, bien que salutaire pour lutter contre le morcellement des forêts privées, souffre de limitations structurelles : il ne s’applique qu’aux propriétés de moins de 4 hectares, et uniquement en cas de contiguïté avec une parcelle communale gérée selon un document d’aménagement forestier validé.
À l’inverse, les parcelles boisées de grande superficie ou celles à cheval sur plusieurs communes échappent à toute possibilité de préemption par les collectivités, ce qui empêche une gestion cohérente à l’échelle des massifs.
Une problématique soulevée au Sénat
C’est dans ce contexte que le sénateur Ludovic Haye (Haut-Rhin – UC) a interrogé le Gouvernement, en février 2025, sur l’opportunité de faire évoluer ce droit de préemption. Il soulignait notamment les risques de désorganisation sylvicole locale, les difficultés d’entretien des chemins d’accès forestiers, ainsi que l’absence de moyens juridiques adaptés pour permettre aux communes de préserver la biodiversité et de maîtriser les usages partagés de la forêt.
Une évolution juridique récente : le droit de préemption en zone à risque incendie
Le Gouvernement a apporté une réponse notable en rappelant la création d’un second droit de préemption par la loi du 10 juillet 2023 visant à lutter contre les incendies.
Ce nouveau droit, codifié à l’article L. 131-6-1 du code forestier, s’applique sans condition de :
- superficie de la parcelle boisée ;
- contiguïté avec une propriété forestière communale ;
- ou existence préalable d’un plan de gestion forestier.
Il concerne les ventes de forêts privées situées dans des massifs identifiés comme exposés au risque incendie, renforçant ainsi l’arsenal juridique des communes pour intervenir dans les zones sensibles.
Ce droit prime désormais sur celui prévu à l’article L. 331-22, étendant de facto le champ d’action des communes et leur capacité à intégrer ces espaces dans une stratégie forestière plus ambitieuse.
Ce qu’il faut retenir pour les porteurs de projet et collectivités
Pour les collectivités locales, les aménageurs publics, ou encore les propriétaires de domaines boisés, il est impératif de :
- Identifier le régime juridique applicable en cas de cession d’un bien forestier (zone à risque incendie, contiguïté, document de gestion, etc.) ;
- Anticiper les procédures de préemption dans les plans de cession ou d’acquisition ;
- Adapter les stratégies d’aménagement forestier aux nouvelles marges de manœuvre offertes par le code forestier ;
- S’assurer de la cohérence entre urbanisme, biodiversité et protection des massifs.
En conclusion
La loi évolue pour répondre aux enjeux croissants de gestion durable des forêts, de prévention des incendies et de maintien des continuités écologiques. Le droit de préemption, bien qu'encore imparfait, tend à devenir un outil structurant au service des territoires.
Pour les communes forestières comme pour les porteurs de projet, la maîtrise de ces mécanismes juridiques est une condition incontournable de la réussite des politiques d’aménagement.
Autres articles
Travaillons ensemble
Que vous lanciez un projet immobilier, énergétique ou territorial, le cabinet vous accompagne avec rigueur, agilité et précision. Discutons ensemble de vos enjeux juridiques.
