Immobilier & construction

Mise en concurrence des titres d'occupation du domaine privé des personnes publiques : nouvelle réponse ministérielle

23/6/2025

Chloé DAGUERRE-GUILLEN

Blog Banner

Les personnes publiques (collectivités territoriales, Etat notamment) peuvent être amenées à conclure des contrats de droit privé permettant l'occupation de dépendances appartenant à leur domaine privé (bail emphytéotique, bail commercial par exemple).

L'obligation de mise en concurrence préalable à l'octroi de titres d'occupation ne trouve à s'appliquer, en droit français, qu'à l'occupation de dépendances du domaine public. Néanmoins, la question de la mise en concurrence des titres permettant l'occupation du domaine privé pose des enjeux forts, tant sur un plan juridique qu'économique.

Le Gouvernement est régulièrement interrogé sur cette question, qui a reçu, récemment, une nouvelle réponse.

En effet, la Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 14 juillet 2016 (affaires jointes C-458/14 et C-67/15, Promoimpresa Srl), a précisé la portée de l’article 12 de la directive « Services » du 12 décembre 2006.

Elle a jugé que l’octroi de titres d’occupation permettant l’exploitation économique d’un bien -indépendamment de sa domanialité publique ou privée- doit être précédé d’une procédure de sélection préalable dès lors que deux conditions sont réunies :

  • d’une part, l’octroi constitue un régime d’autorisation au sens de la directive (article 4, point 6) ;
  • d’autre part, les autorisations présentent un caractère limité en raison de la rareté des ressources disponibles.

En conséquence, l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 a expressément soumis la délivrance des titres d’occupation du domaine public à une procédure de sélection préalable respectant des principes d’impartialité, de transparence et assurant une publicité adéquate pour permettre la manifestation des candidats potentiels.

Toutefois, une incertitude persistait quant aux exigences applicables aux titres d’occupation portant sur des biens relevant du domaine privé des personnes publiques. Le Conseil d’État, dans son arrêt Commune de Biarritz du 2 décembre 2022 (n° 460100), a clarifié ce point. Il a estimé que ni la directive « Services » ni la jurisprudence européenne ne commandent l’application des obligations de publicité et de mise en concurrence préalablement à la conclusion de baux relatifs aux biens du domaine privé, dès lors que ces baux ne constituent pas une autorisation d’accès ou d’exercice d’une activité de service au sens de la directive.

Cette décision rappelle que l’exigence de mise en concurrence repose sur l’appartenance du bien au domaine public ou privé, distinction propre au droit interne et méconnue du droit de l’Union. Toutefois, en pratique, cette distinction coïncide largement avec les critères de la directive « Services ». L’approche pragmatique du Conseil d’État vise ainsi à offrir aux gestionnaires domaniaux un cadre clair et opérationnel.

Pour autant, le Conseil d’État a adopté une motivation prudente, notamment sur la portée de l’article 49 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (relatif à la liberté d’établissement).

Dans la réponse ministérielle commentée, le gouvernement considère qu'en l’absence de jurisprudence complémentaire, tant nationale qu’européenne, il ne saurait être exclu, de manière générale et abstraite, que des obligations de mise en concurrence s’imposent également sur le domaine privé.

Dès lors, il est recommandé de procéder à une analyse approfondie et circonstanciée (in concreto) avant la délivrance d’un titre d’occupation du domaine privé sans mise en concurrence : il convient d’examiner la nature de l’activité envisagée, la rareté de la dépendance domaniale ou encore l’existence d’un intérêt transfrontalier certain. Une vigilance accrue s’impose en cas de doute sur la domanialité du bien ou lorsqu’il relève du domaine privé par détermination de la loi ; dans de telles hypothèses, le gouvernement estime qu'il est préférable de recourir à une procédure de sélection préalable.

En tout état de cause, le gouvernement estime que la durée et la nature des titres octroyés devront rester compatibles avec l’exigence de remise en concurrence périodique imposée par la directive « Services » et rappelée par l’arrêt Promoimpresa.

Enfin, bien que conscient de la nécessité de prévenir tout risque contentieux, le Gouvernement n’entend pas, à ce stade, proposer au législateur une généralisation de l’obligation de mise en concurrence sur le domaine privé, celle-ci paraissant prématurée. Il reste toutefois attentif aux évolutions éventuelles de la jurisprudence, notamment de la part des juridictions judiciaires compétentes en matière de gestion du domaine privé.

03

Travaillons ensemble

Que vous lanciez un projet immobilier, énergétique ou territorial, le cabinet vous accompagne avec rigueur, agilité et précision. Discutons ensemble de vos enjeux juridiques.

Chloé DAGUERRE-GUILLEN