Urbanisme & aménagement
Révision du PLU et évaluation environnementale

La décision rendue dans l’affaire commentée offre une illustration remarquable de la mise en œuvre de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme, introduit par la loi ALUR, permettant la régularisation d’un vice affectant l’élaboration d’un document d’urbanisme.
Elle rappelle deux principes essentiels :
- Le rôle du juge lorsqu’un PLU est vicié par une irrégularité de procédure, ici l’absence d’évaluation environnementale préalable.
- Les limites des obligations de reprise intégrale de la procédure, lorsqu’aucune modification substantielle des partis d’aménagement et règles d’urbanisme n’est intervenue au stade de la régularisation.
Les faits : un PLU contesté pour défaut d’évaluation environnementale
- Le PLU de Louveciennes avait été approuvé par délibération du conseil municipal du 6 décembre 2017.
- Le tribunal administratif de Versailles avait prononcé une annulation partielle en 2020, visant certaines orientations d’aménagement.
- Une association a formé appel pour obtenir l’annulation totale.
- Par un arrêt du 9 février 2023, la CAA de Versailles a constaté un vice de procédure (absence d’évaluation environnementale), mais a estimé ce vice régularisable via l’article L. 600-9, sursis à statuer et fixé un délai de dix mois à la commune.
Dans le cadre de cette régularisation :
- Une évaluation environnementale a été réalisée et soumise à l’avis de la MRAE Île-de-France.
- Une nouvelle enquête publique s’est déroulée du 8 janvier au 7 février 2024.
- Le commissaire enquêteur a rendu un avis favorable.
- Le conseil municipal a adopté une délibération de régularisation le 26 mars 2024.
La solution de la CAA et la censure du Conseil d’État
Par un arrêt du 12 juillet 2024, la CAA de Versailles a malgré tout annulé la délibération de régularisation et le PLU lui-même, en jugeant que :
- le conseil municipal aurait dû arrêter un nouveau projet de PLU après l’insertion de l’évaluation environnementale,
- et que l’absence de nouveaux avis des personnes publiques associées (PPA) entachait la procédure d'illégalité.
Le Conseil d’État censure ce raisonnement comme entaché d’erreur de droit.
Les apports de la décision
Régularisation et absence d’obligation de reprise complète
Lorsque les compléments apportés au PLU dans le cadre de la régularisation se limitent :
- à enrichir le rapport de présentation (exposition des incidences sur l’environnement, analyse de la biodiversité, justification des partis retenus),
- sans modifier les partis d’aménagement ou les règles d’urbanisme,
le conseil municipal n’est pas tenu d’arrêter à nouveau le projet de PLU (art. L. 153-14).
De même, une nouvelle consultation des PPA n’est requise que si les modifications apportées étaient de nature à modifier substantiellement le projet. En l’espèce, tel n’était pas le cas : un simple enrichissement analytique ne justifie pas cette consultation.
Contenu et portée de l’évaluation environnementale
La commune avait répondu de façon circonstanciée aux observations de la MRAE. Le Conseil d’État valide ainsi la régularisation, considérant que :
- le rapport d’évaluation environnementale était suffisant,
- les compléments apportés étaient cohérents avec les exigences de la directive 2001/42/CE (évaluation environnementale des plans et programmes).
Encadrement des moyens invocables
En rappelant l’article L. 600-9, le juge confirme que, dans le cadre d’une régularisation :
- les requérants ne peuvent invoquer ni des moyens déjà écartés par la décision avant-dire droit, ni de nouveaux moyens étrangers à la régularisation ;
- seuls sont recevables les arguments tirés de vices affectant l’acte de régularisation lui-même ou ceux révélés par la procédure de régularisation.
Portée de la décision
Cette affaire illustre l’approche pragmatique du juge :
- Éviter les annulations automatiques, lorsque l’irrégularité est régularisable par des compléments procéduraux et documentaires.
- Clarifier la distinction entre modifications de fond (impliquant relance de la procédure, nouvel arrêt du projet et consultation complète) et simples compléments analytiques (enrichissement du rapport de présentation).
- Sécuriser les PLU : la régularisation avec sursis à statuer devient un instrument de plus en plus central pour éviter les annulations « blanches » et remettre en cause les outils de planification en bloc.
En pratique pour les collectivités et les requérants
- Pour les communes : il est crucial de bien identifier si les compléments apportés relèvent du fond (partis d’aménagement, zonages, orientations opposables) ou de l’analyse (contenu du rapport de présentation, justifications environnementales).
- Pour les requérants associatifs ou privés : la régularisation limite les moyens invocables contre le PLU modifié. Un recours ne pourra prospérer que si des vices nouveaux apparaissent dans la phase de régularisation.
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